Persona 3, mais côté manga !
À l’occasion de la Japan Expo 2019, nous avons eu le plaisir de rentrer Sogabe Shûji, l’auteur du manga Persona 3, actuellement en parution aux éditions Mana Books. Avec lui, nous avons aborder la licence, mais aussi le travail spécifique qu’est l’adaptation. D’autant plus quand l’œuvre abordée est, désormais, un phénomène d’ordre mondial.
Culturellement Vôtre : Êtes-vous surpris du succès de la pop culture japonaise en France ?
Sogabe Shûji : Oui, ça me surprend, en arrivant ici à la Japan Expo, de voir l’étendue du salon. Et le fait que c’est autour d’un seul pays, le Japon. Il y a peu d’événement comme ça au Japon, qui pourrait avoir la même importance. Donc c’est vraiment la première fois que je vois ça. C’est impressionnant, et en même temps ça me rend assez fier. Je remercie la France pour l’intérêt porté au Japon.
CV : Persona est une licence qui gagne en puissance à travers le monde. Comment avez-vous réagi en héritant de ce projet d’adaptation en manga ?
Sogabe Shûji : À l’époque, quand on m’a proposé de travailler sur l’adaptation de Persona 3 en manga, la série n’était pas encore aussi populaire en-dehors du Japon. Même au Japon, ce n’était pas encore une série qui n’était pas encore aussi jouée qu’en ce moment. Mais c’est vrai que le troisième jeu a été un tournant. Et j’ai senti, quand le jeu vidéo est sorti, qu’on partait sur une nouvelle voie qui allait beaucoup fédérer. Mais je ne m’attendais pas que ça prenne une telle envergure internationale.
CV : Comment se déroule le travail avec Atlus ? Le studio avait-il un droit de regard ?
Sogabe Shûji : Est-ce que j’étais libre de travailler ? Pas forcément. Mais ce n’était pas un problème car, en même temps, je suis persuadé qu’être totalement libre n’aurait pas été une bonne chose. Atlus n’a pas insisté pour que je respecte des points précis, mais il ne fallait pas trop s’en éloigner non plus. Il y avait une ligne principale à respecter, et je n’ai jamais eu envie de m’en détacher. Mon objectif était de travailler de façon à prendre les meilleurs éléments du jeu, et de les intégrer au manga pour arriver au résultat final.
CV : Persona 3 est un jeu complexe, avec des éléments issus de la psychologie analytique, de Carl Gustav Jung. Avez-vous modifié des éléments scénaristiques pour qu’ils soient plus accessibles ?
Sogabe Shûji : Que ce soit dans le jeu vidéo, ou dans le manga, on a, comme vous le dîtes, des éléments psychologiques qui ont une importance primordiale dans le développement du récit. Mais je ne les ai pas trouvé difficile à aborder. Cela pose des questions aux lycéens, par rapport à leur vie quotidienne. Ce sont des éléments qu’Atlus et moi voulions garder dans la trame du manga. On n’a pas pris ça comme une difficulté à effacer.
CV : Vous vous êtes occupés du character design du jeu vidéo Senko No Ronde, et le résultat visuel était intéressant. Sur Persona 3, les personnages sont déjà installés. N’était-ce as frustrant ?
Sogabe Shûji : Selon mon point de vue, je vois le design dans le jeu vidéo et le manga comme deux choses différentes. Ce n’est pas à moi d’apprendre le design aux français bien évidemment, mais pour moi le design c’est transmettre un message par le graphisme. Pendant mon travail sur Persona 3, j’ai eu l’occasion, génial à mes yeux, de travailler avec le designer des personnages des jeux Persona, Monsieur Soejima, que je respecte énormément. Un maître pour moi. J’ai eu à traiter en dessin son œuvre, et c’était un réel plaisir que de travailler avec lui : aucune trace de frustration.
CV : Quel est votre épisode favori, dans la série vidéoludique ?
Sogabe Shûji : Je pense qu’à chaque fois qu’un nouveau Persona qui sort, l’équipe qui y a travaillé l’a vraiment fait dans un état d’esprit de questionnement par rapport à notre quotidien, à la société japonaise telle qu’elle est aujourd’hui. Donc, pour moi, le plus intéressant des Persona est, en fait, le dernier sorti, car c’est celui qui transcrit le mieux l’époque actuelle. Je vais vous faire une confidence. Pendant le développement de Persona 5, j’ai vu monsieur Soejima, et je lui ai dit « je suis sûr que l’héroïne aura deux petites couettes blondes ». Il m’a regardait et m’a répondu « mais comment tu sais, tu as vu des documents secrets ? ». Mais non, c’était juste mon feeling. Et je pense que cette prévision venait de mon observation du Japon du moment. Comme quoi il y a vraiment un sens de l’actualité très fort dans Persona.