Caractéristiques
- Auteur : Besma Lahouri
- Editeur : J'ai Lu
- Date de sortie en librairies : 18 mai 2016
- Format numérique disponible : Non
- Nombre de pages : 318
- Prix : 6,70€
- Acheter : Cliquez ici
- Note : 8/10 par 1 critique
Le côté obscur de Zinédine Zidane
France 98, Gloria Gaynor, « et un et deux et trois zéro », « Zizou », voilà de quoi remuer la mémoire et le ressenti de foot tricolore. En gagnant cette Coupe du Monde, il est indéniable que Zinédine Zidane a aussi touché le pactole, en termes financiers bien sûr mais aussi en reconnaissance populaire. On le sait, les stars du foot attirent sur eux les regards bienveillants, comme si les exploits sportifs ne pouvaient produire que des Hommes irréprochables et sympathiques. Même si de ce côté là les choses ont tout de même beaucoup évolué, notamment à cause du comportement très pointé du doigt de certains (voir la récente « affaire de la sextape« ), ou encore les scandales liés à certaines magouilles de transferts (voir notre article sur l’excellent Les Secrets du Mercato) certaines figures emblématiques de ce sport demeurent quasiment intouchables. Et c’est à l’une d’elles que s’attaque Zidane, une vie secrète.
Zidane, une vie secrète est sorti en 2008, et cette réédition peut prendre du sens alors que le sujet de cette biographie pas vraiment autorisée est sous les feux des projecteurs après sa victoire en Ligue des Champions sur le banc du Real Madrid. Ainsi, les plus curieux d’entre nous, mais aussi celles et ceux qui en ont un carrément assez des légendes sportives parfois un peu trop boursouflées, pourront ainsi se délecter de ce livre pas comme les autres. Différent, Zidane, une vie secrète l’est : il n’aborde pas le footballeur uniquement sous l’angle du génie issu d’un quartier populaire, ce qu’il est sans aucun doute. Besma Lahouri va au fond des choses, ne s’arrête pas à la trajectoire dorée, mais sans non plus rechercher le sensationnalisme de bas étage.
Zidane, une vie secrète débute pied au plancher. On pensait avoir droit à l’éternel refrain du petit bonhomme issu des quartiers, ce qu’est « ZZ » par ailleurs. Mais l’angle de l’auteure est beaucoup plus courageux, et surtout plus parlant. Car pour comprendre ce qu’est devenu Zinédine Zidane le meilleur reste encore l’incroyable coup de boule que fut le point final de sa carrière. Coupe du Monde 2006, la finale se joue sur un pétage de plomb carabiné du « timide » numéro 10 : un coup de caboche sur le très désagréable Marco Materazzi, un carton rouge malheureusement mérité, et une sortie du terrain qui sera sa dernière. Visiblement, c’est cet événement qui a poussé Besma Lahouri à s’intéresser au cas du meneur de jeu originaire des quartiers Nord de Marseille, et surtout à l’homme qui se cache sous le maillot.
Zidane, une vie secrète s’appuie sur ce fait de jeu gravissime pour partir du principe que l’homme est loin de l’exemple naturel qu’on a bien voulu nous décrire. Et, en cela, on ne peut qu’abonder vers l’auteure. S’il faut rappeler que le meneur du jeu avait tout intérêt à jouer des épaules sur le terrain tant il se faisait maltraiter par ses adversaires, Besma Lahouri rappelle avec soin et objectivité que certains cartons rouges ont été délivré au footballeur pour de véritables agressions. Par exemple, les deux coups de tête de la finale de France 98 ont fait oublier l’essuyage de crampons asséné à un joueur saoudien à terre, Fuad Amin. Zidane, une vie secrète rappelle simplement que si le joueur était incommensurablement doué, l’homme ne doit pas être aveuglément placé sur un piédestal pour autant. Il n’est qu’un être humain, après tout.
Entre coups de sang et soupçons de dopage
Zidane, une vie secrète ne cherche pas à enlever à ZZ son statut d’idole, mais il est clair que le côté privé n’en sort pas spécialement reluisant. Les amateurs d’infos croustillantes peuvent se calmer de suite : on a certes droit à beaucoup d’anecdotes qui approfondissent le vrai caractère de Zinédine Zidane, mais Besma Lahouri n’en profite pas pour tomber dans un traitement racoleur typé presse à scandales. Revenir sur son rôle à Danone, ça a le don de participer à la sculpture d’un homme qui n’a rien à voir avec l’idée que l’on peut se faire d’un héros. Zidane, une vie secrète démontre aussi que son sujet ne recule devant rien pour maîtriser son image : manipulation de la presse, menaces de blacklistage si les articles ne sont pas à son goût, l’auteure signale aussi quelques cambriolages dont elle et son entourage furent victime alors que la sortie du livre approchait : les ordinateurs de travail furent dérobés…
Nous écrivions que Zidane, une vie secrète ne portait pas atteinte au sportif, cependant l’auteure ne peut pas passer à côté de l’un des sujets les plus tabous : le dopage. Tout le monde le sait, ce dernier fut institutionnalisé à la Juventus tout au long du « règne » de « Zizzou » (et de Didier Deschamps, on se doit de le rappeler), alors que le médecin Riccardo Agricola officiait. Sur ce dossier, on sent Besma Lahouri marcher sur des œufs, rappelant que la chose échappait un peu à tout le monde. Alors que soyons clairs : personne ne se dope contre son grès. Autant de « prise de pincettes » est un peu surprenant, d’autant qu’elle ne s’appuie que sur des faits avérés et ne s’emporte pas dans des accusations à l’emporte-pièce. Pas vu pas pris, et Zinédine Zidane ne s’est pas clairement retrouvé cité comme un joueur dopé. De (très) forts soupçons subsistent, on est particulièrement atterré par la description des contrôles pré-Mondial 98 complètement faussés histoire de ne pas faire éclater une affaire alors que la liesse s’emparait de la France…
Zidane, une vie secrète, aux éditions J’ai Lu (L’espionne, L’opticien de Lampedusa) est une biographie dont la tonalité très libre peut froisser les lecteurs les plus fanatiques du désormais entraineur du Real Madrid. Ce n’est pourtant pas spécialement le but de Besma Lahouri, qui cherche simplement à démystifier une figure devenue beaucoup trop vénérée, alors que ses nombreuses zones d’ombre sont soigneusement écartées. Des qualités, Zinédine Zidane en a, et la biographie n’hésite pas à les aborder (notamment côté humanitaire), mais cet ouvrage a la grande force de rappeler que tout être humain a une part secrète. « Zizou » ne déroge clairement par à la règle.